Préface

On entre dans l’antre comme en capharnaüm. A la recherche de salamandres, de bave de crapaud, d’incantations maléfiques. Les sorcières de Macbeth auraient-elles laissé à Pétra Werlé cet atelier en héritage ? Les yeux ne savent où se poser. On hésite à esquisser le moindre geste. Difficile d’amasser, d’entasser plus en un si minuscule endroit.

Gratte-ciel de cagettes, échafaudages brinquebalants de boîtes en carton, équilibres anarchiques de trouvailles animales, végétales et minérales. Pièces, ô combien si communes et si rares, dénichées dans les sous-bois ou auprès d’entomologistes, de plumassiers, de brocanteurs. Papillons, scarabées d’or et d’argent, halias verte, petit nacré, grande tortue, noctuelle du pied d’alouette, libellules, sauterelles, chrysina du Mexique, chrysophora chrysochlora noir de Colombie, cocons d’araignées, bêtes océanes, à pinces, à carapaces, à coquilles, à frustules.

Et si pendant des années, Pétra a sculpté l’amour en mie de pain, désormais le grand chambardement de la boulange a pris fin. Les mitrons sont en vacances, avec leurs valises remplies de flûtes, de viennoiseries, de baguettes, de craquantes.

Pétra Werlé se veut aujourd’hui génitrice du samouraï-oiseau et du pitre-coléoptère , druidesse entourée d’abeilles, d’ailes translucides, de cocons annonciateurs d’un avenir qui se recrée sans cesse. Les marmites sont sur le feu. C’est le temps de la grande farce métamorphosée en drame théâtral. L’ancienne peau des légendes est remplacée par les apparats multicolores d’une sarabande shakespearienne. Libellules-amazones, bouffons-chambellans, princes encornés, lilliputiens chaussés de goliaths, kabuki des arthropodes, sabre d’aigrette, rossignol-massaï, phasme guerrier. Phytophage amoureux. Parade cannibale des couleurs, de la femelle et du mâle.

Pétra Werlé s’est faite prêtresse, déesse de la fertilité. Elle retourne à la tradition pour la briser et la réinventer. Son œuvre se touille en mille légendes. A l’ombre des regards indiscrets, car il est des recettes à ne transmettre que de bouche à oreille. Celles des marmites secrètes et foisonnantes, avides de répondre à la question : « Ne sommes-nous pas une aberration dans l’ordonnance de l’univers ?».

Thane de Cawdor

« Je suis comme un moulin. J’ai tout regardé
et tout ce que j’ai vu, je l’ai absorbé et moulu très fin ».
Francis Bacon