Chronique
Le soleil se lève aussi
par Francis Marmande
Et voilà ! Culture pour tous ! On se préparait à traiter des deux expositions les plus sœurs de Paris : Lalique au Musée du Luxembourg, et Pétra Werlé, rue Guénegaud ; le maître champenois du bijou (1860-1945) et la druidesse des lutins lutineurs. Le luxe et la débauche. Lalique aux émaux et camées, Debussy des transparences, le botaniste des blancheurs ; Lalique et ses femmes fleurs, ses broches hirondelles, ses ors, ses colliers de chien, ses Naïades à damner un Auguste, chrysanthèmes et scarabées dent on dirait des filles, Lalique en majesté, fascinant de goût empoisonné et de turpitude inattendue ; Lalique sous acier poli et vitrines bien sages, sans commune mesure avec la splendeur funèbre des salles noires du Musée de Kyoto en 2001, mais Lalique tout de même.
Plus bas vers la Seine, art modeste mais confondant, les elfes, les démons lubriques, les sorcières rieuses, les djinns réjouissants, avec leurs bites en mie de pain et de vrais élytres, de vraies ailes de papillon, libellules, trouvailles dans la nature, tout l’art de Pétra Werlé si mal présenté récemment à la Halle Saint-Pierre, mais bien visible galerie Béatrice Soulié. L’art de faire la nique à Lalique.
Voilà, on aurait parlé d’art, de luxe, de la méprisante civilisation du faux gratuit, de la logique du jeu qui tient lieu de culture, ou de cet aphorisme lu dans les cabinets d’un tabac à République : « Trop d’écrivains, pas assez de penseurs. »
Francis Marmande
© Le Monde
12 Juillet 2007