Dans le petit monde de Pétra Werlé

Pétra Werlé. A l’Espace Suisse à Strasbourg.

Pétra Werlé est de retour à Strasbourg, pour une très originale et piquante exposition. Si vous pensez que le petit monde de Pétra Werlé est bizarre, fantasque, original, curieux, singulier, extravagant, loufoque et farfelu, en résumé « génial », comme l’écrit Erick Auguste, vous aurez vu juste. Vous pourrez ajouter étrange et baroque, mais foin des adjectifs - de qui et de quoi s’agit-il ?

Vive et pure fantaisie

Depuis plus de vingt-cinq ans, Pétra Werlé pétrit et modèle mies et croûtes de toutes sortes de pains, imprégnées de sa salive, pour créer de petits personnages. La technique est ancienne - au Musée d’art brut de Lausanne sont ainsi conservées des pièces créées au XIXe siècle par Joseph Giavarinni, le prisonnier de Bâle -, mais souvent ces oeuvres furent éphémères, victimes des insectes.

Pétra Werlé, en les enfermant sous verre à l’abri de l’air, a écarté le danger. Et c’est avec cure-dent et pince à épiler qu’elle façonne des êtres poétiques et taquins, issus d’une imagination féconde. Savamment étiquetés par Gilbert Lascault, ils composent une série intitulée « Entomologie ». Ils dansent « Pavane et polka » en « Prélude au charivari », invitent « Sirènes et pirates » et « Gnomes enfarinés ». Il y a du James Ensor et du Jérôme Bosch dans ces carnavaliers miniaturisés.

La série « Procession » n’échappe pas à la comparaison avec les danses macabres - ses créatures y sont épinglées comme papillons, et peut-être s’avancent-elles vers l’enfer, puisque fabriquées avec hosties poêlées et pains azymes pyrogravés. « Au cirque de l’amour », derrière un rideau de soie rouge, d’autres jouent la comédie. Thanatos est parti, vive Eros et ses jeux délicieux : dans « Les heures et les jours », les figures sont gentiment érotiques avec un soupçon de mythologie, pourraient s’appeler Diane et la Sirène, ou encore Daphné, et sur le cadran rond des horloges de Pétra le temps est mesuré par des marmousets en pain blanc, bis, noir, anglais, viennois, d’épice ou de son - qu’importe le froment, pourvu qu’on ait la forme.

Ailleurs encore, elles s’habillent d’ailes de papillons, d’élytres de scarabée. La préciosité leur sied. En pain de campagne, elles se la joauient rustique. En pain de fantaisie, tout leur est permis...

Julie Carpentie
© DERNIERES NOUVELLES D’ALSACE
10 mai 2005 n°108